• Des arbres condamnés à mourir à petit feu, debout et écorcés

    Le gardien du site de Noville a écorcé une trentaine d’aulnes noirs afin de les faire sécher et de favoriser la biodiversité. Le procédé émeut.

    Des arbres condamnés à mourir à petit feu, debout et écorcés

    Les aulnes noirs ont été écorcés cet hiver par Olivier Epars, gardien de la réserve des Grangettes.

    En balade au cœur de la réserve des Grangettes, Laurent Prêtre s’est arrêté tout net sur le sentier en apercevant une trentaine d’arbres dont l’écorce avait été pelée sur une cinquantaine de centimètres. «Deux dames qui passaient là m’ont demandé si c’étaient des castors qui les avaient écorcés. Mais j’ai compris que c’était le travail de l’homme. Et que le but était de faire crever à petit feu ces arbres en pleine santé en empêchant la montée de leur sève», se fâche l’ancien paysagiste.

    L’homme en question, c’est Olivier Epars, gardien de la réserve située à Noville. L’hiver dernier, il a procédé à cette opération d’annelage sur une trentaine d’aulnes noirs, l’espèce d’arbres la plus répandue aux Grangettes.

    Il a donc incisé leur écorce sur toute leur circonférence afin de les priver de sève et les faire mourir debout. «Je suis intervenu dans le cadre des mesures de gestion de la réserve. Un des objectifs est de maintenir et de protéger les marais, en contenant l’avancée de la forêt.»

    Le procédé a du bon
    En hiver, le gardien procède donc à des abattages dans les lisières moyennant l’autorisation du Canton. «Et lorsque les arbres sont assez gros, je les écorce afin qu’ils sèchent sur pied. Il y a peu de grands arbres morts aux Grangettes. Or ceux-ci attirent les oiseaux cavernicoles comme les mésanges ou les pics, ainsi que divers insectes.»

    Olivier Epars ajoute que c’est la première fois que cette opération d’annelage est aussi visible et que les aulnes condamnés sont vieux de 20 à 30 ans. Ils mettront en principe un an à mourir.

    «L’annelage, on le pratique peu, parce que ça choque les gens, fait remarquer Jean-Louis Gay, inspecteur forestier pour le Canton. Ce procédé offre néanmoins une plus-value certaine en matière de biodiversité. L’arbre qui dépérit attire tout un cortège d’oiseaux, d’insectes et de champignons différents de ceux qui viendraient sur un arbre abattu et laissé à terre. On écorce des arbres depuis plus de quinze ans aux Grangettes, mais c’est la première fois qu’ils sont aussi proches d’un sentier. A terme, les promeneurs pourront peut-être observer des pics sur ces aulnes.»

    Effectué à l’aide d’une hache ou d’une tronçonneuse, l’annelage est également privilégié lors d’opérations visant à rajeunir des forêts et à éliminer certains vieux arbres pour favoriser la pousse des plus jeunes. «On évite ainsi les dégâts générés par un abattage», explique l’inspecteur.

    Aux Grangettes, certains des aulnes noirs annelés poussent à une quinzaine de mètres du sentier qui serpente dans la réserve. Une fois morts, ne risquent-ils pas de casser et de menacer la sécurité des promeneurs? «Non, nous avons examiné cette question avec le garde forestier. Tous ces arbres poussent en lisière sud et penchent vers le sud. S’ils devaient tomber, ils tomberaient dans les marais», rassure Olivier Epars.


    Une réserve pas si naturelle que ça

    Située à l’extrémité est du Léman, la réserve naturelle des Grangettes s’étend sur 120 hectares, constitués essentiellement de marais et de forêt. Les travaux qui y sont menés sont inscrits dans le plan de gestion 2010-2019 approuvé par les autorités cantonales et fédérales. Et contrairement à ce qu’on imagine souvent, elle n’est pas un sanctuaire livré à dame Nature exclusivement. «La réserve naturelle n’est plus «naturelle» depuis la canalisation du Rhône il y a cent cinquante ans. Et si on veut maintenir ce qui reste, on est obligés d’intervenir», explique le gardien de la réserve, Olivier Epars.

    Coupes d’arbres, nettoyage des roselières, fauchage, débroussaillage (parfois à l’aide de machines), curages des petites mares: les travaux d’entretien sont permanents afin de maintenir la biodiversité de la réserve, ou l’augmenter. Les opérations visant à modifier le terrain ou les coupes d’arbres sont soumises à l’aval préalable du Canton. Et le public doit être informé par le biais de petits panneaux, lors d’interventions visibles. Ce qui a été fait pour expliquer l’annelage des aulnes noirs qui bordent les marais.

     


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