• Ethiopie : le retour de la forêt

    Ethiopie : le retour de la forêt

    Dans le nord de ce pays qui a perdu près de 90 % de ses forêts, des villageois travaillent à la faire renaître. Avec le soutien de la Fondation Yves-Rocher et de l’organisation Green Ethiopia.

     

    Le soleil mord. La chaleur est écrasante. Les cailloux, la terre aride et friable manquent parfois de le faire tomber, mais Weldwahd s’accroche. Péniblement, il grimpe la colline. Et s’il grimace, ce n’est ni de douleur ni de fatigue, ni même à cause du thermomètre, qui affiche déjà en cette fin de matinée 35 °C. Le visage fermé, Weldwahd se penche pour ramasser une racine desséchée. Insensible à la chaleur, à la soif et à cette poussière qui achève de lui brûler le fond de la gorge, l’homme est simplement dévasté par le spectacle de ce bout de bois racorni posé au creux de sa main. « Je veille sur ces collines dès l’aube et jusqu’au coucher du soleil. Rien n’y fait. Les rongeurs mangent les racines. Nous avons planté trente mille arbres ces derniers mois, mais déjà près de vingt mille ont été détruits. » Sa douleur est à la mesure du désastre. Nous sommes dans la vallée de Seglem, à une quinzaine de kilomètres d’Aksum, dans l’extrême nord de l’Éthiopie. Ce pays pauvre de la corne de l’Afrique, le plus peuplé du continent, est confronté à une déforestation massive et effrénée. Cinq décennies auront suffi pour faire disparaître 90 % des arbres. Il y a cinquante ans à peine, les forêts, encore luxuriantes, s’étendaient sur près de 60 % du territoire. Aujourd’hui, elles ne recouvrent plus que 3 % du sol éthiopien, qui continue de voir disparaître chaque année plus de 1 400 kilomètres carrés de forêts naturelles. Dans le cortège de randonneurs mené par Weldwahd, le gardien des lieux, se trouvent Irène Pfi ster-Hauri et Jacques Rocher. Elle est à la tête d’une petite organisation familiale, baptisée Green Ethiopia, dont l’objectif est d’oeuvrer au reboisement du pays. Jacques Rocher, président de la Fondation Yves-Rocher, a quant à lui récompensé Irène en 2009. Lauréate du Grand Prix international Terre de femmes pour son action en Éthiopie, elle est, depuis, soutenue financièrement par la fondation. Leur action commune a permis de planter près de onze millions d’arbres et l’objectif est de dix-sept millions à l’horizon 2015. Des chiffres qui ne consolent pas Weldwahd ni son épouse, Tequam. « Mon mari et moi veillons sur ces collines et les arbres depuis sept ans déjà. Avec les villageois, nous travaillons dur. Nous menons des travaux de terrassement à mains nues et à dos d’homme sur les hauteurs pour accueillir les plants d’arbres, retenir l’eau de pluie, limiter les dégâts de l’érosion et l’appauvrissement des terres destinées à l’agriculture. Ces arbres sont l’avenir de nos enfants. Je ferai tout pour les préserver. Je suis une femme mais je n’ai pas hésité à prendre les armes pour combattre la dictature de Mengistu [le militaire qui a dirigé le pays de 1974 à 1991, NDLR]. Aujourd’hui, le combat continue contre la sécheresse et pour nos arbres. Mais il se mène sans armes. Comme tous nos concitoyens, nous donnons vingt journées de travail chaque année dans les montagnes des alentours pour planter et construire des terrasses. Nous ne sommes pas payés pour cela. Les Éthiopiens ont, comme nous, compris que c’était un devoir civique de préserver les arbres mais que, surtout, cela profite à tous. »
    Tandis que son époux songe aux deux tiers des plantations détruites, les spécialistes venus sur le terrain avec Jacques Rocher et Irène Pfi ster-Hauri le rassurent. Pour contrer le fléau, ils proposent de planter des arbres aux racines plus amères, donc moins appréciées des rongeurs. À quelques kilomètres de là, les femmes de la pépinière Mekalou s’attellent à tout faire pour que les arbres deviennent robustes et résistants aux nuisibles et à la sécheresse. La pépinière est financée par l’association Green Ethiopia et la Fondation Yves-Rocher. Elle produit chaque année près de neuf cent mille arbres qui seront replantés dans la région. L’essentiel de la main-d’oeuvre est féminine, mais Girmay travaille là depuis trois mois maintenant et il ne s’en plaint pas. Ce jeune homme fluet de 19 ans ne rechigne pas à la tâche, tout
    comme ces dames. Il multiplie les allers-retours à la rivière, chargé de son seau pour arroser les précieux plants. « C’est vrai que ce travail est essentiellement féminin. Mais ça ne me gêne pas. Je suis ravi d’avoir cet emploi. Dans un pays aussi pauvre que le nôtre, c’est une chance. De plus, travailler à faire grandir des arbres me donne le sourire. Sans eux, il n’y aurait plus de vie. Notre pays en sait quelque chose. Je suis jeune, mais mes parents ont connu la famine de 1985, ils ont perdu des proches et n’ont pas oublié. Je me souviens que, petit, je regardais les montagnes autour de moi et elles étaient nues, sans arbres. Aujour d’hui, le paysage change. Il y a chaque année plus de verdure. Enfin, les arbres commencent à regagner du terrain. Je vois des champs avec des fruits et des légumes. J’ai planté des arbres fruitiers près de ma maison. À 19 ans, je viens de découvrir autre chose que le pois chiche pour me nourrir. Je mange des oranges, des mangues, des papayes, des pommes. Enfant, je n’en avais jamais vu. Je considérais les tomates comme un luxe. En vingt ans nous avons réussi à réduire la déforestation et à améliorer notre quotidien. Alors, non, ça ne me gêne pas de travailler avec toutes ces femmes car nous contribuons à reconstruire le pays. »

    Par Nadjet Cherigui (VSD)

    Ethiopie : le retour de la forêt


  • Commentaires

    1
    BOUBA ZOUA
    Vendredi 22 Décembre 2017 à 10:35

    Voilà une action intelligente que tout le monde, surtout nos dirigeants africains devraient faire. courage pour ce pays qui a vite compris et surtout à la population de cette partie et bon vent à Nadjet Cherigui son auteur.

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